On Vous Voit
14 min readApr 22, 2021

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Comment éviter le duel Macron-Le Pen en 2022

Mathias Ulmann, consultant en stratégie et ex-conseiller de Jean-Christophe Cambadélis, pose les conditions sous lesquelles la gauche peut exister à la présidentielle.

Tribune initialement publiée le 15 Avril sur le site de l’Express:

https://www.lexpress.fr/actualite/politique/comment-eviter-le-duel-macron-le-pen-en-2022_2148814.html

“Tout le monde le déplore mais personne ne semble pouvoir le contrecarrer. Le remake du second tour de 2017 est en marche. Les autres challengers sont pour l’instant repoussés loin derrière et peinent à trouver le point d’ouverture dans la mère des batailles politiques d’une Vème République bien usée.

Les prétendants rappellent à juste titre que les sondages actuels travaillent avec la plus grande marge d’erreur qui soit, pas celle qui se calcule en points mais en mois. Si ces enquêtes d’opinion restent une photographie arithmétique et si une élection reste une affaire de dynamique, elles donnent une image assez claire du long chemin qui leur reste à parcourir. En attendant, ils dénoncent en coeur ce remake annoncé, disant qu’il est souhaité voire entretenu par l’exécutif et qu’au fond ce duel ne serait qu’un duo.

Dire cela, c’est passer sous silence deux éléments structurants du champ politique. Le premier, tellement structurant qu’il en devient presque aveuglant, l’article 7 de notre Constitution. Si un “match” s’impose, c’est simplement que notre loi fondamentale prévoit deux candidats en cas de second tour. Ainsi, la bipolarité d’une présidentielle, c’est “systémique”. Et dans un système à trois puissances, mieux vaut en effet être une des deux premières.

Fausses évidences

Deuxième élément souvent négligé, le fait que les candidats ne sont perçus que de manière relative. Ainsi, le positionnement politique mais aussi la force sondagière d’un candidat donné ne peuvent se comprendre que relativement aux autres candidats. De fait, si Emmanuel Macron et Marine le Pen ont souvent plus de 10 points d’avance sur leurs concurrents, c’est aussi parce que ces derniers n’attirent pas. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les Français attendent cet affrontement. Au contraire, ils sont 70% à ne pas le souhaiter.

Mais alors, comment éviter ce duel, sachant que l’on n’échappera pas à un duel ? Si celles et ceux qui souhaitent un autre scénario sont sincères, alors ils doivent remettre en question quelques évidences. La mère des batailles enfante beaucoup de mythes et de myopies que nous souhaitons ici successivement relever.

La première fausse évidence, c’est de dire que si la gauche est faible, c’est parce qu’elle est divisée. Certes, la division est le plus court chemin vers la défaite. Mais, est-ce là l’explication du désaveu des partis de gauche dans l’opinion ? Quand on observe les courbes de l’auto-positionnement politique des Français, le recul est flagrant : seuls 13% se disent de gauche en juillet 2020, contre 23% en mars 2017. La désaffection est têtue et s’observe bien entendu aussi dans les dernières enquêtes d’opinion pour la présidentielle de 2022. Elles sont d’autant plus terribles pour la gauche que toutes les hypothèses y sont testées et qu’elle soit unie ou divisée, les portes du second tour restent désespérément fermées. Tous rassemblés derrière un candidat unique, la gauche ferait entre 13 et 15%. Partant divisés, les candidats de gauche ne pèsent additionnés ensemble que 27%. Contre 44% en 2012.

Trop-plein et manque criant

La gauche fait en outre face à un véritable problème d’incarnation. Elle souffre en la matière de deux maux opposés mais qui, cumulés, plongent ses militants dans un gouffre de perplexité : le trop-plein d’ambition et le manque criant d’ambition. Le trop-plein est sans surprise incarné par Jean-Luc Mélenchon qui se considère tout bonnement comme candidat à vie. Personne sacrée, il fait don de sa personne et de son programme, le tout adoubé par une première historique : la primaire à un tour et à un candidat. Le fait est que la candidature du communiste Fabien Roussel va rendre la chasse aux signatures éreintantes pour les Insoumis et mécaniquement affaiblir le score de leur champion.

De leur côté, les dirigeants écologistes Yannick Jadot et Éric Piolle considèrent que le leadership de la gauche leur revient de fait, sorte d’expression du droit naturel dans une gauche appelée à se verdir. Et puis, il y a les leaders de la gauche de gouvernement qui ne veulent pas se jeter dans la gueule de la défaite. Anne Hidalgo se mettra bien entendu à disposition de son camp… si les sondages changent d’ici à septembre. Il y a également Bernard Cazeneuve, le plus gradé des socialistes, qui veut incarner la droiture morale mais peut-être pas au point de se sacrifier. Dommage. Message aux militants et au “peuple” de gauche : débrouillez-vous.

Mais alors, si ce n’est ni la division ni l’incarnation qui posent problème, quelle est la raison de la profonde désaffection de la gauche ? Disons-le tout net : ce sont les positions de la gauche. Déni sécuritaire, délire sociétal et discrétion des propositions sociales et économiques : voilà ce qui caractérise les sorties médiatiques de la gauche, qui sont souvent autant de sorties de route.

Bataille culturelle perdue

Tour de France “machiste et polluant”, “arbres morts”, femmes désormais dénommées “personnes qui menstruent” et hommes décrits comme des “assaillants”, défense des “réunions non-mixtes” pour contrer le “privilège blanc” : la gauche a perdu la fameuse bataille culturelle non pas contre les droites mais contre les indigénistes et les décoloniaux qui ont imposé leurs thèmes, leurs concepts et leur agenda. Prenant excuse du fait que la République est imparfaite et inachevée, ces derniers voient dans l’État non plus un outil de transformation mais de domination. Un changement de paradigme gigantesque pour la gauche.

Anne Hidalgo et Olivier Faure ont beau essayé de donner des garanties sur leur engagement républicain, leurs efforts sincères sont souvent brouillés par leur propre camp. Dernier exemple en date, les propos au mieux confus d’Audrey Pulvar sur les réunions non-mixtes. Les assumant dans une tribune, elle y traite les universalistes de gauche choqués par son intervention manquée de racistes d’extrême-droite. Cela laissera forcément des traces.

La réalité, c’est que les discriminations existent bel et bien mais que les concepts décoloniaux sont inefficaces pour les personnes concernées et dangereux pour la cohésion de la nation. La réalité, c’est que les réponses apportées par les indigénistes sont non seulement absurdes mais surtout minoritaires dans l’opinion.

Errements fous

Tant que la gauche ne dénoncera pas ses propres errements fous, elle restera au fond du trou. Si elle ne le fait pas, il ne lui restera plus qu’à méditer sur cette phrase d’Émile de Girardin : “Un drapeau qu’on cache dans sa poche, ce n’est pas un drapeau, c’est un mouchoir”.

Passons à la deuxième fausse évidence qui brouille la lecture des enjeux de la prochaine présidentielle. Elle consiste à dire que tout candidat de la droite républicaine battrait forcément Emmanuel Macron au second tour. On peut comprendre la frustration de la droite, mais c’est une manière un peu cavalière de masquer la crise existentielle qui l’agite. C’est sans conteste le comble de la séquence actuelle : la droite est majoritaire dans le pays mais incapable d’en tirer parti politiquement. Comme les partis de gauche, ceux de droite n’ont pas vraiment su profiter de leur cure d’opposition pour remettre à plat leur doctrine. Ils ont du mal à définir ce qu’est le conservatisme du XXIème siècle et à sortir de ce que le directeur de la Fondapol Dominique Reynié appelle “le social-étatisme”.

Comme le PS, LR doit renoncer à son hégémonie passée et voit son socle politique s’écarteler sous ses pieds, sur sa gauche vers Emmanuel Macron et sur sa droite vers Marine Le Pen. La triangulation opérée par le Président de la République lui fait d’autant plus mal que le nouveau monde aura finalement accouché d’une deuxième droite.

Progression du centre

Au niveau local, c’est une toute autre histoire et c’est ce qui doit être le plus frustrant pour ses dirigeants. Les élections municipales se sont ainsi plutôt bien déroulées. La droite demeure la première force des territoires avec 44 % des villes de plus de 30 000 habitants, contre 34 % pour la gauche et 18 % pour le centre. Petit bémol symbolique, la perte de Bordeaux, la ville d’Alain Juppé. Au total, la droite perd 57 villes de plus de 30 000 habitants et en gagne 11. A y regarder de plus près, si la gauche reste stable, c’est surtout le centre qui progresse, passant de 2 à 18 % des villes concernées. Cette progression du centre se fait aux dépens de la droite, le maire sortant se ralliant souvent à “la majorité présidentielle”, comme à Amiens, Drancy ou Roubaix. A l’inverse, les maires de droite réélus l’ont bien souvent été avec le soutien de la même majorité comme à Toulouse, Limoge ou Nice.

Marie-France Garaud disait des centristes que “la simple odeur du maroquin suffit au ralliement”. Si la droite arrivait à diffuser les effluves d’une victoire possible en 2022, alors peut-être que l’effet d’entrainement jouerait cette fois en faveur de LR. Tout va dépendre de la dextérité des stratèges de la rue de Vaugirard pour orienter l’enjeu de l’élection. L’alternative est claire : barrage ou bagage. Si la question première reste “qui pour faire barrage à Marine Le Pen ?”, alors les chances d’inverser la tendance sont maigres. Si le souhait de voir sortir le Président sortant s’impose dans un contexte de post-crise sanitaire lancinante, alors LR peut se remettre à espérer. Encore faut-il trouver la bonne incarnation.

Pas de primaires à droite

Ils ont a priori déjà trouvé la bonne méthode en décidant, à l’issue d’un bureau politique en décembre dernier, de ne pas organiser de primaires. Les Républicains ont acté que si “un candidat s’impose naturellement”, la famille se rassemblerait derrière lui. Ceux qui semblent s’imposer au ballet des ambitions ont cependant l’étiquette un peu honteuse. À part le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dont la candidature ne prend décidément pas, les deux personnalités qui sont le plus souvent citées ne sont plus membres des Républicains.

Xavier Bertrand, président du mouvement la Manufacture et des Hauts de France, a déclaré plusieurs fois sa candidature. Valérie Pécresse, à la tête de Soyons Libres et de l’Île-de-France, assume également son ambition. Mais citons aussi les candidats qui rêvent de surprise, comme Michel Barnier, négociateur européen du Brexit, qui sait que la campagne de 2022 se fera en pleine présidence française de l’UE. Ou comme Dominique de Villepin, annonçant son intérêt pour la bataille dans la foulée de la condamnation de l’ancien Président Nicolas Sarkozy. Réponse de la bergère au boucher.

Pas (encore) candidat, Laurent Wauquiez ne dit mot mais considère lui aussi les élections régionales comme des primaires de fait et ne laissera pas Xavier Bertrand mettre la main sur le graal sans réagir. Pourquoi sont-ils si nombreux à caresser l’idée d’une candidature ? Parce qu’ils pensent que d’ici la fin de l’année, des sondages montreront qu’Emmanuel Macron n’est pas le mieux placé pour affronter Marine Le Pen au second tour, ce qui poussera les électeurs de droite à rentrer au bercail dès le premier tour. Ce qui reste entièrement à démontrer. Ainsi, cela se voit certes beaucoup moins qu’à gauche, mais la droite reste profondément divisée. Entre sa moitié qui regarde vers le centre et l’autre moitié qui regarde vers l’extrême droite, difficile pour un candidat de rassembler les deux bouts. Quel qu’il soit.

Le Pen faiblarde

Abordons maintenant la troisième et dernière fausse évidence. C’est l’idée que tout le monde serait en train de courir après les thèmes l’extrême droite. Ainsi, les médias en feraient trop, la droite cèderait à un atavisme dangereux et le centre-gauche ostraciserait les musulmans en se remettant à parler de république. Tout le monde a conscience que si Marine Le Pen sait parler des problèmes de la France, elle a très peu à dire concernant les problèmes des Français. Et pourtant, elle progresse. Marine Le Pen a fait une rechute mi-février dans un débat très faiblard sur France 2, rappelant sa piètre prestation de l’entre-deux-tours, mais elle recueille un quart des intentions de voix.

Cela renvoie au fond à cette fameuse et étrange question : qu’est-ce qui fait monter le Front national ? Ce qui fait monter le Front national, c’est de dire que l’augmentation de la violence urbaine et des atteintes aux personnes ne serait qu’une “impression”. C’est de dire, comme LFI, que la loi renforçant les principes républicains est dirigée contre les musulmans et non contre les seuls islamistes et donc de faire l’amalgame dont rêvent à la fois ces mêmes islamistes et l’extrême droite. C’est de dire que l’islamo-gauchisme n’existe pas scientifiquement, mais que l’islamophobie est réelle, méritant de jeter en pâture le nom de professeurs aux successeurs du bourreau de Samuel Paty.

Ce qui fait monter l’extrême droite, c’est de lui laisser le monopole du mot nation, pourtant forgé à Valmy, c’est cette gauche qui baisse les yeux devant les indigénistes, c’est de vouloir parler de tout sauf des sujets qui comptent et qui fâchent, des sujets politiques par excellence. À ce jeu-là, force est de constater que le parti présidentiel est passé maître.

LREM sans colonne vertébrale

On pense ici à la tribune signée par Stéphane Sejourné ainsi que par Stanislas Guerini, patron de LREM, et publiée le 23 février dernier dans Le Monde, avec pour titre “Islamo-gauchisme” : “Au secours, le clivage droite-gauche revient !”. L’entame est féroce mais résume bien l’esprit du texte et du mouvement présidentiel : “L’irrationalité actuelle autour du concept d’islamo-gauchisme est emblématique de la dérive du débat politique (…) On retrouve ici tout ce qui a rendu le clivage droite-gauche stérile et délétère”. Une manière de dire que les questions de laïcité et d’identité ne se posent pas. Cette tribune souligne surtout que LREM n’a toujours pas réussi à se construire une véritable colonne vertébrale doctrinale. Les observateurs parlent sans cesse de la jambe gauche et de la jambe droite de LREM, le fait est qu’ils ne se penchent jamais sur le cerveau gauche ou le cerveau droit.

Cette tribune est un peu à contre-emploi, parce que le bilan du quinquennat concernant la défense des principes républicains est pourtant globalement positif et restera comme la seule empreinte à proprement parler politique. Au final, LREM aura jusqu’à présent échoué à fournir le moindre substrat à la pensée complexe du Président. A tel point que ce dernier envisage de se passer de cette étiquette pour mener la reconquête. Peut-être a-t-il compris que ces sujets sont essentiels pour les Français, car ils renvoient à une question centrale, à la question politique par excellence : “Qu’est-ce qui tient la société française ensemble ?”.

Question simple mais coupante, qui va bien au-delà de la mièvre expression du “vivre ensemble”. Oui, il faut s’émerveiller de ce miracle chaque jour répété, de ce ciment fait de valeurs et de principes, qui renvoie à des choses concrètes, à la place des femmes, à la sécurité, au respect des minorités, à l’amour de la langue commune. Tout ce qui est aujourd’hui fragilisé, abîmé et remis en cause. Au quotidien.

Tenir la France ensemble

Il s’agit d’un point essentiel et nous finirons notre propos en insistant sur la portée de cette question politique clé, car elle va structurer l’élection présidentielle à venir. En 2022, elle va s’aiguiser un peu plus : “Qu’est-ce qui tient encore la France ensemble ?”. Ce ne sont pas les partis qui vont pouvoir fournir la réponse. Ils sont dévalorisés et dépréciés, y compris par les intéressés eux-mêmes. Les différents candidats ont compris que ce ne sont pas les partis qui vont faire l’élection, mais les récits.

Les partis sont exsangues, les militants désertent : LR 65 000, le PS 40 000, RN 27 000, LREM 20 000 et EELV 10 000. Quant aux idées, on les compte sur les doigts d’une main. Ces machines électorales sont rouillées, vestiges d’un autre temps. Les débats se passent ailleurs. Dans l’opposition dite extraparlementaire, dans des objets politiques inédits comme les gilets jaunes ou Vérité pour Adama, #meetoo et autre #BLM. Et puis, il y a le “Parti des indigènes” qui porte très mal son nom puisque ce n’est pas un parti, mais il influe indéniablement les débats en portant le récit décolonial.

Il y a le récit salafiste et le récit frériste, cousins mais concurrents, qui expliquent que la France ne veut pas des musulmans, que les mécréants ne sont pas compatibles avec la charia, que la mixité est un blasphème et que la République ne vaut rien face au califat. Il y a bien entendu le récit identitaire de l’extrême droite qui définit la France comme tout ce qui n’est pas musulman. Comme le récit islamiste, il voit dans la république une promesse vide et dans la laïcité une neutralité flasque incapable de souder le peuple. Pour tous les identitaires, au fond, les valeurs de la République n’ont aucune valeur.

“Plafond des Verts”

Il y a ensuite le récit catastropho-écologique, qui veut empêcher les enfants de rêver, un récit de CSP+ qui vivent bien et qui passent leur temps à dire que tout va mal, qui refusent de voir que le nucléaire est la seule porte de sortie des énergies fossiles. Un récit punitif incapable de redonner espoir, de régler un problème pourtant bien réel et qui ne rassure pas les Français sur la capacité des écologistes à gouverner, ce véritable “plafond des Verts”. Il y a le récit de LFI, d’une partie d’EELV et de l’ensemble de la gauche radicale constituée du NPA et de Génération.s, le parti-fantôme de Benoît Hamon : la France dérive vers le fascisme et ils incarneraient le seul vrai rempart pour éviter “le retour des heures sombres”. Quitte à laisser prospérer les nouveaux obscurantistes, en fermant les yeux à Trappes mais en ouvrant les cordons de la bourse publique à Strasbourg.

Il y a aussi le récit de la droite, obnubilée par son recul urbain, essayant de copier la gauche sur le revenu universel, mettant en avant l’idée d’une droite sociale, oxymore qui laisse son électorat perplexe. Il y a ensuite, bien entendu, le récit du Président : le grand empêchement. Cela consiste à dire que la crise sanitaire a empêché le Président de faire montre de sa superbe, un peu comme Nicolas Sarkozy arguant de la crise financière de 2008. Emmanuel Macron ne dira plus “en marche” mais “encore”. Ce récit sous-entend de revenir à l’essence de ce qu’est le macronisme. On doute. On se dit que le fameux “en même temps” risque de ne pas fonctionner par gros temps. On pense ici au dégel politique qui suivra la campagne massive de vaccination et la troisième vague sociale. On peut douter enfin de la capacité de ce récit à convaincre les Français de se déplacer aux urnes, véritable clé de ce scrutin.

République jusqu’au bout

Et puis, il y a le récit de la gauche dite de gouvernement, celui d’une social-démocratie mâtinée d’écologie. Récit à peine audible. Tragique, même. On repense à Aristote et à ces mots de la Poétique décrivant le héros pris dans la tragédie, qui participe à l’action tout en la subissant et qui “tombe dans le malheur non pas à cause de ses vices ou de sa méchanceté mais à cause de quelque erreur”.

Cette erreur, nous la connaissons, c’est l’abandon de l’universalisme. La gauche ne veut pas assumer ses racines et cherche des “accommodements raisonnables” avec ses ennemis, qui sont autant de raisons commodes de ne pas se battre, pour l’école républicaine, cette “promesse faite au Tiers-État”, pour cette “République jusqu’au bout” chère à Jaurès, au moment même où certains veulent en venir à bout.

À gauche comme à droite, les stratèges et les ténors doivent comprendre que les Français ne souhaitent pas le retour à la réaction mais simplement le retour à la modernité, qu’ils n’en peuvent simplement plus de ce délire racialiste que déverse la postmodernité. Ils devraient sentir avec ceux cette inquiétude de voir les choses auxquelles ils sont attachés non pas décliner mais disparaître. Pourtant, pour les partis traditionnels, dénoncer la tenaille identitaire est la seule manière de desserrer l’étau politique et d’échapper au remake de 2017.”

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